Théâtre

Effet de surprise

Du 4 au 21 décembre 2018

Toulouse
ThéâtredelaCité

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Il veut rendre au Théâtre sa place au cœur de la Cité. Casser les frontières de l’institution. Casser les codes. Casser la croûte avec le spectateur en truffant le forum de loges marchandes. Partager avec les Toulousains son irrépressible amour de cet auteur russe, Ivan Viripaev, dont il met en scène un nouveau texte, Insoutenables longues étreintes. Galin Stoev, enthousiasmant et nouveau directeur du ThéâtredelaCité, y fait souffler un vent de bienveillante intelligence.

Comment diriger un Centre dramatique national en 2018 ?
Je pense qu’il faut se déplacer dans le regard des gens et provoquer de belles surprises artistiques. Que ces surprises deviennent une part de cette institution. Que peut-on faire avec ce bâtiment, construit il y ans vingt ans pour répondre à des attentes qui sont différentes de celles que manifeste le public aujourd’hui ? C’est un temple de l’art. Aujourd’hui je voudrais que l’attraction du Théâtre ne soit plus verticale, de gens qui savent vers d’autres initiés, mais horizontale, parfaitement ouverte, transparente, que ce que nous faisons ici parle à ceux qui ne se sentent pas légitimes. L’institution est là pour faire des propositions inattendues. Ici, chacun peut se permettre de vivre une expérience hors du commun. Je voudrais que cette idée se diffuse partout.

Comment y parvenir ?
L’artiste doit accepter de sortir de la posture du génie qui vient livrer un message que seuls les initiés comprendront. Il faut casser la logique de production et de consommation des œuvres en disant au spectateur qu’il fait partie de l’œuvre. Présenter au spectateur des œuvres qui l’obligent à opérer des choix en permanence. En tant que metteur en scène je m’adresse à un collaborateur, qui va compléter l’œuvre. Le spectateur est un co-créateur. Je veux vraiment casser ce cliché du théâtre comme quelque chose qui s’adresse à l’élite, intello. Dans le théâtre on réinvente une rencontre, on arrive à toucher les points névralgiques chez chacun, c’est une vraie expérience. Émotionnelle et pas intello.

Insoutenabes longues étreintes, ce texte d’Ivan Viripaev que vous créez en français, est-il capable de susciter cette émotion ?
Viripaev, je suis tombé dessus par hasard et par défaut. Or rien n’arrive ni par hasard ni par défaut. C’est un auteur que j’ai découvert en 2001, par un texte sur une série de rêves poétiques. Un texte étrange, effrayant. J’ai monté cette pièce puis quatre ou cinq autres en suivant, dont Danse Delhi, que les Toulousains ont découvert lors de la saison dernière. Même lorsque je veux m’en éloigner, j’y reviens. Pour moi c’est l’un des rares qui arrive à écrire le métatexte, qui rend visible l’invisible pour qu’il surgisse sur scène. Il arrive, oui, à toucher des points névralgiques en chacun de nous.

Comment mettre en scène cet invisible ?
Bien sûr Viripaev pense que tous les metteurs en scène sont là pour saccager son texte. Entre nous, il y a cette tension, mais également une grande fraternité, qui a été immédiate. Je pense, moi, que ses textes s’accomplissent véritablement seulement pendant une représentation théâtrale. Il te faut une cérémonie pour déployer cette énergie, les instruments fins et sensibles des corps des comédiens, qui sont comme une matière à traverser, pour permettre au texte d’arriver jusqu’au spectateur. Je parle là de technologies, de technique. Mon rôle là-dedans, c’est celui d’un maître de cérémonie.
Mais je demande aux spectateurs de faire un effort, de venir vers nous. Le comédien a fait son travail, il tend la main et invite à le suivre. Ce n’est pas lui qui va vers le public. Ce mouvement auquel je tiens augmente le pourcentage de prise de conscience de ce que soulève le texte.

Que soulève-t-il d’essentiel ?
Ce sentiment nihiliste d’une vie dans une sorte de néant que l’on reproduit constamment et qui amène une perte de repères, de perspectives et augmente une tristesse intérieure dévastatrice. Les personnages de Viripaev sont des trentenaires, qui sont comme nous tous : ils ont des rêves, un travail, ils mangent bio, se demandent s’ils vont faire des enfants. Ce sont des gens tout à fait normaux sur lesquels tombe une sorte d’énergie qui est là pour les rendre vivants. Viripaev arrive à créer une écriture quantique multidimensionnelle qui ne s’écrit pas sur le plateau mais dans la tête ou le ventre du spectateur. Il va assister à une quête de plaisir, de sens, de liberté. Un voyage initiatique pour toucher du doigt une liberté qui se mérite. C’est un auteur dangereux, qui peut devenir orgasmique.

Propos recueillis par Virginie Peytavi

Photo : Tsvetelina Belutova

Site web : https://theatre-cite.com/

Publié par Rédaction de Ramdam


ThéâtredelaCité, Toulouse

Théâtre

1 rue Pierre Baudis
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https://theatre-cite.com