Festival

"Indépendance maximale"

Du 7 au 11 février 2018

BAGNERES DE LUCHON
Luchon

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Réalisateur de films documentaires et de fiction (pour la télévision et le cinéma), auteur d’ouvrages divers, ancien conseiller de François Mitterrand pour l’audiovisuel et ancien directeur général de FR3, Serge Moati est président du Festival des créations audiovisuelles de Luchon depuis 2008. Nous l’avons rencontré à l’occasion de la 20e édition du festival, qui a lieu à Luchon du 7 au 11 février.

Quels sont les jalons les plus marquants dans l’histoire du festival de Luchon ?
Je peux surtout parler de ce que je connais, c’est-à-dire de la période à partir de 2008. Lorsque les gens du festival m’ont proposé de devenir président, j’étais très flatté, j’ai accepté et je me suis très vite senti chez moi, grâce à l’enthousiasme et l’hospitalité dont fait preuve toute l’équipe. Nous avons voulu donner une nouvelle orientation à la manifestation, en affirmant une indépendance maximale vis-à-vis des chaînes de télévision. Il s’agit de défendre la création et non pas de faire plaisir à telle ou telle chaîne. Nous avons aussi mis en place des comités de sélection indépendants, ce qui a complètement modifié la nature du festival. J’interviens le moins possible dans les choix des comités mais cela peut arriver, par exemple si les membres d’un comité n’arrivent pas à se mettre d’accord sur un film. Le festival s’est aussi ouvert aux documentaires et aux productions internet (Webdocumentaires et Webséries). Toutes ces décisions ont été prises en dialogue étroit avec Claude Coret, la présidente de l’Association Festival TV Comminges Pyrénées (AFTVCP), une femme remarquable et passionnée qui a voulu créer le festival en particulier pour les jeunes de la région. Depuis plusieurs années, Claude développe une action éducative en profondeur dans la région : des films programmés au festival sont montrés régulièrement dans des établissements scolaires, en présence de membres de l’équipe, qui présentent les films et en discutent avec les élèves. Ce versant pédagogique me semble très important.

Et qu’imaginez-vous pour l’avenir ?
Nous voudrions mettre en place un festival des régions, un Luchon hors-les-murs, afin de faire circuler une sélection de films dans toute l’Occitanie en privilégiant les films coproduits par les régions. A mes yeux, il est essentiel que les films circulent un maximum, dans les établissements scolaires et les cinémas d’art et essai. L’idée est d’aller au-delà des quatre jours du festival, de faire de la programmation une sorte de bien commun accessible à une plus large population. Nous envisageons aussi d’ouvrir le festival aux documentaires politiques – ce dont je serais ravi – mais c’est encore à l’état de projet pour le moment.

La création du festival, à la fin des années 1990, coïncide avec l’apparition d’internet, qui a suscité un bouleversement considérable du paysage médiatique. Selon vous, qu’est-ce qui constitue aujourd’hui la spécificité première du médium télévision ?
Difficile à dire… Je crois qu’un bon réalisateur est un bon réalisateur, quel que soit le support qu’il emploie. Après, il existe des formats spécifiques à la télévision, la série étant sans doute le plus emblématique et le plus populaire actuellement. A la télévision, on peut aussi voir beaucoup de choses remarquables sur des formats très courts, 3 minutes par exemple. Dans le cadre du festival, nous ne voulons pas nous imposer de contraintes de genre ou de format. Nous nous intéressons à la création télévisuelle dans son ensemble, en accordant une place de choix aux documentaires, auxquels je suis très attaché car je pense qu’ils nous aident à mieux voir et comprendre le monde. Internet représente un changement technologique majeur qui entraîne un changement culturel majeur. Il s’y produit de plus en plus de choses passionnantes : c’est ce qui nous a conduits à élargir le festival aux Webdocumentaires et Webséries.

Vous avez commencé à travailler pour la télévision, à l’époque l’ORTF, dans les années 1960. Avez-vous le sentiment que la télévision se bonifie avec le temps ?
Oui et non. Il y a plus de chaînes et par conséquent a priori plus de diversité mais on constate pourtant parfois une certaine standardisation des programmes. C’est pourquoi il faut bien choisir ce qu’on regarde. Par ailleurs, je trouve que l’on ne donne pas assez leur chance aux jeunes réalisateurs aujourd’hui. J’ai l’impression qu’il manque aussi une vraie vision de ce que doit être la télévision. Georges Pompidou avait dit un jour : « La télévision, c’est la voix de la France. » Je suis d’accord avec cette définition, si on entend « la voix de la France » au sens culturel et non pas politique. Il faut retrouver une ambition pour tendre vers une télévision plus créative et plus exigeante. Le nombre de chaînes n’y change rien, tout l’effort doit porter sur la qualité des programmes.

Cette édition anniversaire va-t-elle être marquée par une programmation particulière ?
Oui, nous allons montrer tous les films qui ont été primés ces dix dernières années – des films qui, selon nous, ont marqué l’histoire de la télévision – et faire venir autant que possible réalisateurs, comédiens et autres membres des équipes pour accompagner les films.

En dehors du festival de Luchon, quels sont vos projets en cours ou en prévision ?
Je suis actuellement en train de terminer un livre qui s’intitule L’Ardoise magique et va paraître chez Fayard. La mémoire, l’effacement sont au cœur du livre, auquel je cherche à donner une tonalité entre humour et désespoir, un peu à la Woody Allen. En parallèle, je travaille sur un projet consacré au 70e anniversaire d’Israël (l’Etat d’Israël a été créé le 14 mai 1948, NDR) et sur le montage financier d’un film de fiction pour le cinéma. Il s’agit d’un film d’aventure et d’espionnage situé durant les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, à Sigmaringen (en Allemagne), là où s’exilèrent les principaux dirigeants du régime de Vichy. Ce film fait suite au docu-fiction Sigmaringen, le dernier refuge, que j’ai réalisé récemment pour Arte. A l’heure où le populisme et l’extrémisme de droite se répandent de plus en plus à travers l’Europe, il me paraît capital de rappeler cette période de l’histoire de France.
Propos recueillis par Jérôme Provençal

Site web : http://www.festivaldeluchon.tv

Publié par Rédaction de Ramdam


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