Jeune Public

Lou Broquin : "L'enfance est le territoire de tous les possibles"

Du 14 au 16 mars

Blagnac
Petit Théâtre Saint Exupère

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Depuis presque 10 ans, elle dirige Créature, compagnie théâtrale crée en 1990 par ses parents Odile Brisset et Michel Broquin. Un héritage familial et artistique qu’elle fait vivre avec intelligence et passion, à travers des spectacles pour le jeune public que les adultes peuvent aussi comprendre. Je suis ma maison est sa dixième mise en scène. Cette nouvelle création nous offre le prétexte d’explorer les grands axes d’un territoire artistique en forme de manifeste pour l’enfance, mais ouvert à tous, où s’enlacent formes animées et écritures contemporaines.

Vous a-t-il d’emblée paru naturel de vous inscrire dans la continuité de cette aventure familiale et artistique qu’est Créature ?
J’ai grandi dans une famille où travailler dans le spectacle vivant était la norme. Enfant, j’étais obsédée par l’envie de faire du théâtre. Mes parents n’étaient pas contre mais souhaitaient que j’emprunte une voie plus « académique » que la leur. À 16 ans, je suis entrée dans leur compagnie comme comédienne. Il a néanmoins fallu trouver ma place dans une famille aux personnalités fortes, être capable d’assumer d’être la fille de.

La mise en scène s’est imposée rapidement ?
J’étais très attirée par la mise en scène mais il m’apparaissait périlleux de mettre en scène un spectacle et de jouer dedans, d’autant que je ne me trouvais pas très intéressante en tant que comédienne. Le choix s’est donc fait assez vite. À partir de là, l’équipe m’a suivi : l’envie des autres a aussi conforté mon envie. Par la suite, la question de la direction artistique est arrivée naturellement. J’en avais envie sans en réaliser les enjeux : diriger une structure est presque un métier à part entière. Je n’ai pas construit ma maison, les fondations, les murs étaient là. L’un des principaux défis a été de déconstruire et reconstruire en écoutant ma sensibilité propre.

Qu’y a-t-il de vous dans l’ADN de la compagnie ?
Mes parents sont aussi mes parents artistiques. Dans mon travail, on voit d’où je viens, on voit mes racines. Le lien à la marionnette, le rapport à l’enfance, l’envie d’explorer nos espaces intérieurs sont toujours là. J’y apporte mon propre rapport au monde et à mon époque. Les questions du féminisme, de l’enfantisme y sont plus présentes, la collaboration aussi avec des auteurs et autrices contemporains. Mon rapport aux formes animées est un peu différent. Je suis très sensible à la question de la forme au service du récit. Je me définis autant comme metteuse en scène que plasticienne.

Comment la scénographie s’articule-t-elle au projet ?
Personnellement, je n’arrive pas à lire un livre s’il n’y a pas d’images. Le visuel stimule mon imaginaire. Quand je commence à travailler sur un projet, la question de la scénographie arrive très vite. C’est un outil dramaturgique inséparable du travail des acteurs. Je travaille sur le concept de la figure associée, les personnages étant interprétés tantôt par des comédiens, tantôt par des formes animées, mais aussi par le son, la lumière… Je convoque tous les matériaux scéniques pour évoquer les différentes facettes d’un personnage. Au plateau, j’utilise des niveaux de langages différents, aucun ne prévaut sur les autres. Je m’appuie sur le travail de mes collaborateurs, compositeurs, auteurs… Le spectacle repose aussi sur la manière dont ils s’emparent de mes propositions et les transposent dans leurs propres langages. Je ne peux rien si je suis seule.

Les créations de la compagnie s’adressent à tous, au jeune public d’abord, mais aussi aux adultes. Pourquoi est-ce si nécessaire de dépasser les clivages de générations ?
Parce que cela pose la question de la place de l’enfant dans la société. Les adultes refusent parfois d’assumer leurs responsabilités, de faire face à ce que sont vraiment les enfants, d’affronter la discussion sur certains sujets. Or, les enfants ont besoin de voir dans les adultes des alliés. Je crois que tout le monde souffre de cette classification par âge, enfant comme adulte. En créant des spectacles jeune public, je veux aussi parler aux adultes qui les accompagnent. Et puis l’enfance est le territoire de tous les possibles, il m’offre une immense liberté de création.

Avez-vous vu évoluer le paysage des spectacles pour la jeunesse en 20 ans de pratique ?
Le manque de reconnaissance de la vivacité de la création pour la jeunesse perdure, mais les choses avancent doucement, entre évolution et régression.

Les spectacles sont systématiquement accompagnés de propositions d’actions de médiation, rencontres, ateliers de pratique artistique… Que se passe-t-il d’important pendant ces moments – là ?
Le spectateur est forcément tenu au silence. Les dispositifs de médiation nous offrent la possibilité de communiquer avec ceux auxquels on s’adresse. Je remercie ce public qui prend le temps de venir à notre rencontre. Ce sont pour moi des moments essentiels, des endroits d’échanges égalitaires et de vraie collaboration qui font aussi avancer notre réflexion.

Je suis ma maison est votre dixième création. Pouvez-vous nous la présenter ?
Après deux « grosses » mises en scène, j’avais envie de retrouver une proximité avec le public et un dispositif technique plus simple. Je souhaitais aussi retravailler avec un public plus jeune, à partir de 5 ans, un âge transitoire qui m’intéresse. Le motif de la maison traverse mon travail depuis toujours : je la vois comme une boite au milieu d’un paysage, une structure abritante, une sorte de peau. J’ai eu l’idée de faire un parallèle entre le corps et la maison. Le spectacle parle du corps comme d’un territoire. Il permet d’aborder la question de la façade, comment les choses paraissent et ne sont pas, le rapport entre monde intérieur et monde extérieur. Comment on construit sa maison, comment on l’habite et comment on la protège.
Propos recueillis par Maëva Robert

Du 14 au 16 mars. Petit théâtre Saint-Exupère, Blagnac.
22 et 23 mars. Scène des Trois Ponts, Castelnaudary.
25 avril. La Gare, Saint-Juéry.
26 et 27 avril. Espace Apollo, Mazamet.

Photo : Hervé Dapremont

Publié par Rédaction de Ramdam


Petit Théâtre Saint Exupère, Blagnac

Rue Cantayre
31700 Blagnac