Danse
"Tirer Quichotte par la manche"
Stéphanie Fuster s’attaque à l’objet de culte qu’est le Don Quichotte de Cervantès, avec curiosité et tendresse.
Pourquoi cette œuvre ?
J’ai attrapé Don Quichotte pour tenter de résoudre la question que je me pose sur le féminin. J’ai eu envie de regarder un homme. L’archétype de l’homme, pour moi, c’est Don Quichotte. Ce qui est assez drôle, car c’est une vraie catastrophe. Une catastrophe, très attendrissante, très touchante.
Est-on sur une entreprise de déboulonnage d’un monument espagnol ?
Oui, totalement. J’ai besoin d’amadouer, de démythifier. Le cœur de mon travail, c’est ça : pourfendre les mythes. Pourquoi ? pour m’adresser à tout le monde : aux spécialistes du Quichotte, les Quichottiens, à ceux qui ont attrapé quelque chose de l’oeuvre, ceux qui viennent de l’exil aussi. L’exil, c’est mon grand lien à Quichotte. Je dois le faire descendre de son piédestal pour l’approcher, pour lui parler. Je le tire par la manche.
Vous vous inscrivez en cela dans une longue lignée d’artistes qui ont tenté de le percer à jour.
J’aime m’intégrer dans cette chaîne. Dans mon domaine, j’ai longtemps été seule. J’ai été, pendant des années, absolument fascinée par le flamenco. J’ai vécu huit ans à Séville. Je me suis exilée pour devenir cette femme extraordinaire, la danseuse de flamenco. La robe à pois était trop grande. J’ai entrepris une tentative de dégrisement. Pour renverser le flamenco, on a besoin d’y revenir à plusieurs reprises. Par la violence, l’humour, le détournement, les mots. Et ça tient encore. J’ai eu envie de le salir, ce flamenco, et dans toutes mes pièces, il y a un moment d’excès. Partir à l’assaut du flamenco, le dépecer, ce corps à corps, c’est ma bagarre.
Que voulez-vous dire de Don Quichotte ?
Je veux parler avec lui au coin du feu. Raconter des histoires. D’amitié, de liens très forts. Des sentiments très humains. Il n’est pas du tout ce chevalier Intouchable, invincible, toujours digne, qu’il rêverait d’être. Mais il y a une dignité là-dedans, la dignité d’une oeuvre tellement immense. Il vit dans sa tête, un peu comme nous tous. Le réel vient le heurter sans arrêt. Et malgré ça, il tombe d’une fiction à l’autre. J’ai beaucoup travaillé sur le prologue, où apparaît Cervantes, qui parle de la création. J’aime les arrière-cuisines, c’est ce qui me touche le plus. Je deviens artiste par les artistes. C’est un voyage qui revient sur ses pas que j’entreprends en compagnie d’Alberto Garcia, chanteur, complice de longue date.
Propos recueillis par Virginie Peytavi
5 et 6 novembre, le Parvis, Tarbes.
21 et 22 novembre, Scène nationale d’Albi - Tarn.
Du 18 au 20 décembre, Théâtre Garonne, Toulouse.
29 janvier, L’Estive, Foix.
26 et 27 mars, Théâtre de Nîmes.
Photo : Fabien Ferrer
Publié par Rédaction de Ramdam
théâtre Garonne, Toulouse
Théâtre
1 Avenue du Château d'Eau
31300 Toulouse
Tél : 05 62 48 54 77