Vîrus x Rictus, soliloques d’un pauvre

« Faire enfin dire quelque chose à quelqu’un qui serait le Pauvre, ce bon Pauvre dont tout le monde parle et qui se tait toujours. » C’est ainsi que Jehan-Rictus décrivait le projet de ses Soliloques du Pauvre, parus à partir de 1897. C’est ce texte magnifique, écrit en argot versifié, que déjà Garniouze avait joué lors du Complot sur le campus en 2013. Voici qu’aujourd’hui, c’est au tour du rappeur Vîrus, déjà accueilli avec Casey et Asocial Club en 2015, de rendre à Rictus toute sa dureté, sa percussion, sa virulence. Sur scène, comme dans le magnifique livre-disque édité par le Diable Vauvert avec la participation de Jean-Claude Dreyfus, Vîrus incarne Rictus, teigneux, tragique, révolté, désespéré : ils partagent le goût des mots, le dégoût des hommes, une même sensibilité d’écorché vif. A plus d’un siècle de distance, Vîrus trace un trait d’union d’une incroyable actualité entre le rap et la poésie des faubourgs, une poésie lourde et sale, capable de maintenir, dans ses convulsions, la haute tension d’un « poème sans poésie ».