Expos

Guillaume Herbaut : Sur les traces d’Eugène Trutat

Du 13 avril au 14 mai 2023

Toulouse
Le Château d'Eau - Pôle photographique de Toulouse

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Guillaume Herbaut est une figure du photojournalisme, lauréat l’an passé du World Press pour son travail au long cours en Ukraine. Ce ne sont pourtant pas des images de guerre qu’il accroche en mars pour sa première expo au Château d’Eau, mais celles d’un dialogue avec le naturaliste et photographe Eugène Trutat, directeur du Muséum de Toulouse dans les années 1890. Exploration menée dans le cadre de la Résidence 1+2, qui valorise depuis 7 ans par l’image, le patrimoine scientifique occitan.

Comment le photojournaliste que vous êtes aborde-t-il l’exercice de la résidence ?
Avec d’autant plus de plaisir que j’en fais rarement. La dernière, c’était à Tergnier, dans le Nord, autour de la mémoire cheminote. J’étais donc honoré et heureux que Philippe Guionie, le directeur artistique de la Résidence 1+2, me propose ce travail autour des Pyrénées et du fonds Trutat.

Quelle idée vous faisiez-vous de Trutat et du massif ?
J’adore les Pyrénées, surtout les régions de Luchon et de Saint-Béat. J’aime leur coté intact et sauvage. Ma femme est originaire du coin. Ses ancêtres espagnols sont arrivés en France par ces vallées. Nous nous sommes mariés là-bas en 1999. Quant à Trutat, je ne le connaissais pas, mais les muséums d’Histoire Naturelle ont toujours exercé sur moi une grande fascination. Quelque chose de fort et de mystérieux. Un mélange de souvenirs de visites au Muséum de Paris quand j’étais enfant, et de lectures des aventures d’Adèle Blanc-Sec de Tardi. Entrer dans les réserves d’un muséum, c’était pour moi la chance d’investir cet imaginaire.

Avez-vous travaillé avec les outils de l’époque de Trutat ou avec ceux de votre temps ?
Je me suis longtemps interrogé à ce propos, mais à la réflexion, c’était tout vu. Trutat utilisait toujours les modèles de boitiers les plus récents. S’il vivait aujourd’hui, il ferait la même chose. Photographier à la chambre pour initier un dialogue avec lui en 2023 n’aurait donc aucun sens. J’ai travaillé en digital et en couleurs, avec mon matériel de reportage habituel. C’est une façon de rester à ma place, dans un propos photographique et pas scientifique.

Votre avis sur le fonds Trutat, maintenant que vous l’avez exploré en détail ?
Incroyable dans sa richesse, ses thématiques, son personnage. La photo de Trutat, c’est l’histoire d’une vie passée à documenter les paysages, les animaux, les plantes, la société. C’est un peu difficile à expliquer, mais il y a une vitalité extraordinaire dans ses images. On sent une énergie forte, presque électrique. Étrangement, ça ne se perçoit pas immédiatement, mais ça finit par sauter aux yeux. Vue la richesse du fonds, et compte tenu de sa grande diversité, je me suis vite rendu compte que je ne pourrais pas, dans cette résidence, courir après la totalité du travail d’un homme qui a consacré sa vie à son œuvre.

Quel fut, dès lors, votre parti-pris ?
Je suis parti du principe qu’il fallait se glisser dans les pas de Trutat, respecter ses principes de prise de vue, sa rigueur photographique, sa manière de photographier les Hommes et les animaux. Ce faisant, j’ai constaté qu’il ne respectait pas lui-même ses propres principes, et qu’au-delà du travail scientifique, se dégageait dans ses images quelque chose de profondément humain.

Votre propos explore donc davantage l’humain que le scientifique ?
Le cœur de mon propos, ce sont les époques dans lesquelles nous vivons. Quand Trutat photographiait la nature, il le faisait dans un monde de conquérants et de découverte. Un monde dans lequel tout était possible et tout restait à découvrir. Quand il photographiait un animal, ce n’était pas avec l’angoisse de savoir combien il en restait, et s’il risquait de disparaître. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde fini dont on ne voit que les limites, et dans lequel les animaux disparaissent. Je m’inscrit dans ce monde-là, et j’essaie de traduire sa réalité en images.

Il faut donc s’attendre à de la noirceur ?
Mes photos ne seront pas optimistes alors que celles de Trutat l’étaient. Il y a beaucoup d’images dans lesquelles on le voit avec son équipe en montagne, en pleine ascension. Ce sont des images figées, mais on sent que Trutat bouillonne et que règne entre eux une très bonne ambiance et une grande énergie. Moi, j’étais seul, sans présence humaine. Mes photos sont des paysages dans des ambiances en clair-obscur, des animaux naturalisés, des dépouilles conservées dans des congélateurs. Tout cela raconte ce que l’on vit aujourd’hui, et notre point de vue sur l’environnement.

Vous avez mené ce travail en pointillés entre deux voyages en Ukraine. Qu’éprouve-t-on dans la quiétude pyrénéenne après avoir vécu le fracas de la guerre ?
L’alternance de violence et de quiétude fait partie de ma vie. Elle est ancrée en moi. Dans la solitude pyrénéenne, je pensais simplement : « Quelle chance ».

Propos recueillis par Sébastien Vaissière

Guillaume Herbaut : Sur les traces d’Eugène Trutat, du 13 avril au 14 mai à la galerie Le Château d’Eau

Photo : Richard Dumas

Publié par Rédaction de Ramdam


Le Château d'Eau - Pôle photographique de Toulouse, Toulouse

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