Festival
Kiddy Smile et Clément Postec : « L’art aime les hybridations »
Dj, danseur, icône mode, performeur… Kiddy Smile est cette année l’artiste associé du festival toulousain d’art contemporain, épaulé dans sa tâche par son directeur artistique Clément Postec. Ensemble, ils ont imaginé une programmation qui lui ressemble : flamboyante et généreuse.
Clément Postec, pourquoi Kiddy Smile vous a semblé être un bon candidat au rôle d’artiste associé ?
Après la designer Matali Crasset et le cinéaste Alain Guiraudie, j’avais envie d’aller vers le monde la musique. On connait Kiddy Smile surtout comme figure de la scène électro et de la Ballroom Scene, mais il est plus que cela. Musique, mode, danse, vidéo, performance… il se définit par la multiplicité de ses pratiques, son goût de l’expérimentation, mais aussi son indépendance d’esprit, sa fierté à affirmer qui il est. Le festival veut être l’écho des transitions de notre temps : il incarne cet esprit-là.
Kiddy Smile, qu’exprimez-vous à travers vos différentes pratiques ?
On me renvoie souvent l’image d’un artiste engagé. En réalité mon travail est très égocentré : il parle d’une personne noire, queer et de son rapport au monde. Il se trouve que mon identité n’est pas celle du modèle dominant, alors oui, ça bouscule l’ordre établi. Par effet de miroir, mon travail est reçu comme une critique de la société, du rapport aux minorités. Mon militantisme vient simplement de qui je suis.
La famille est le thème conducteur de cette édition. Comment s’est-il imposé ?
Kiddy Smile : J’ai grandi dans une famille soudée. Adulte, j’ai découvert l’importance de la famille de cœur, notamment à travers la culture du voguing et des ballrooms, qui est comme un espace ouvert pour permettre à chacun, quelle que soit son identité sexuelle et de genre, d’exprimer librement qui il est. Au-delà des liens du sang, la famille c’est aussi les personnes avec lesquelles on choisit d’avancer, celle qui donne à l’individu la force du collectif.
Clément Postec : Nous avons beaucoup échangé pour dégager des thèmes, mettre des mots. Cette édition évoque le motif de la famille sous toutes ses formes, mais aussi l’amour, l’attention aux autres, le care : des valeurs collectives d’inclusivité et de bienveillance que Kiddy Smile n’a de cesse défendre.
Le Nouveau Printemps, c’est aussi un festival ancré dans un quartier, cette année Saint-Sernin – Arnaud-Bernard…
Clément Postec : L’art aime les hybridations, les rencontres, les antagonismes. Cette édition est une invitation faite à des artistes jeunes et flamboyants à s’approprier un quartier historique. Saint-Sernin, c’est à la fois sa basilique, son musée d’Archéologie, et un quartier cosmopolite pour la partie Arnaud-Bernard, marqué par les mémoires migratoires. Il incarne aussi la connaissance et la jeunesse, avec son université, sa bibliothèque, ses étudiants. Un certain nombre d’artistes évoquent leurs propres histoires migratoires, leurs fractures et leurs luttes, mais surtout ils sont à l’image de Kiddy Smile : ils nous parlent de sujets sociétaux avec une grande invention formelle, un plaisir visuel et de la générosité.
Kiddy Smile, que retenez-vous de cette incursion dans l’art contemporain ?
On me connaît surtout à travers ma pratique de musicien, et je ressens souvent une certaine suspicion face à la multiplicité de mes pratiques. Je projette quelque chose de confus. En art contemporain, les artistes n’ont aucun problème à passer de la vidéo à la sculpture, à la performance. A leur contact, je ne suis plus un ovni : je suis un artiste qui a juste besoin de plusieurs médiums pour déployer son propos.
Propos recueillis par Maëva Robert
Photo : Hélène Ressayres
Publié par Rédaction de Ramdam
Toulouse, Toulouse
Autre
31000 Toulouse