Festival
Serge Roué, words addict
Directeur et programmateur du Marathon des mots depuis 2008, lecteur affamé depuis bien plus longtemps, Serge Roué ne pouvait pas choisir parmi la multitude d’œuvres qui l’habitent. Voici donc plutôt huit « grands romans classiques », à (re)découvrir lors de la prochaine édition du festival littéraire toulousain.
« Chaque année, le prix littéraire Marguerite Yourcenar est remis par la Scam au festival. Qu’elle peut être intimidante, cette Marguerite Yourcenar ! Et pourtant, en quelques lignes de ces si belles Archives du Nord, elle vous aspire et vous fait entrer dans son univers par sa langue si belle et sa manière unique de mêler mémoire personnelle et histoire collective. À travers l’évocation de sa famille et de son père tout particulièrement, elle explore ses racines, les silences familiaux et les héritages, transformant sa généalogie personnelle en une puissante quête d’identité et de sens. »
Archives du Nord, Marguerite Yourcenar (1977)
« Si c’est un homme de Primo Levi, ou L’Espèce humaine de Robert Antelme, l’un ou l’autre, ou les deux textes ; l’un écrit en italien, l’autre en français, pour commémorer la fin des camps de concentration nazie en 1945. Les deux textes partagent la même force sobre et bouleversante. Primo Levi raconte l’horreur des camps en restant profondément humain. Ce témoignage est une leçon de dignité, de mémoire et de résistance. Une méditation sur la condition humaine. »
Si c’est un homme, Primo Levi (1947)
« Seule Françoise Sagan peut faire revivre la grande Sarah Bernhardt, remise au goût du jour par le film de Guillaume Nicloux avec une épatante Sandrine Kiberlain. Avec son style vif et élégant, Sagan dresse un portrait tout en malice et tendresse, révélant la force, l’humour et la modernité de Sarah Bernhardt. Cette correspondance imaginaire entre les deux femmes met en scène une icône rebelle, passionnée, qui a vécu selon ses propres règles. Le regard libre et admiratif que Sagan porte sur cette actrice hors norme est aussi une manière de célébrer des vies dédiées à la création. »
Sarah Bernhardt, le rire incassable, Françoise Sagan (2024)
« Une lecture musicale dans le cycle Est/Ouest qui sera l’un des événements de cette édition. Des extraits de l’un des plus grands romans de la guerre froide seront lus par Pierre Rochefort, accompagné par les musiciens de Puce Moment. Par son réalisme sombre et sa tension maîtrisée, ce roman d’espionnage so british dépasse le genre : il montre un monde cynique, où la frontière entre le bien et le mal se brouille. Le personnage de Leamas, désabusé et tragique, incarne la perte des illusions. Le Carré y mêle suspense, intelligence et profondeur morale avec, toujours, une grande finesse. »
L’espion qui venait du froid, John Le Carré (1964)
« Un classique qui permet de revisiter l’Histoire et d’évoquer l’ex-Tchécoslovaquie : l’immense Milan Kundera a une manière si particulière de mêler philosophie, amour et histoire. À travers des destins croisés de ses différents personnages, il explore la liberté, le hasard et la mémoire. Son écriture subtile questionne sans imposer – et finit par bouleverser. Un roman qui touche par sa profondeur intime et sa lucidité sur l’existence, entre légèreté apparente et gravité cachée. »
L’Insoutenable Légèreté de l’être, Milan Kundera (1984)
« Choisir Maryse Condé, c’est saluer l’œuvre d’une grande dame de la littérature francophone, relativement méconnue en France mais littéralement acclamée dans le monde entier. Dans son œuvre vaste et puissante, mêlant l’intime à l’universel, choisissons Ségou pour sa puissance narrative et son ancrage historique. À travers la saga des Traoré, elle fait revivre l’Afrique du XIXe siècle, confrontée aux poids de l’esclavage, de la religion et de la colonisation. Ses personnages toujours vibrants d’intensité, éclairent une histoire africaine trop souvent occultée. »
Ségou, Maryse Condé (1984)
« Un hommage à l’autrice américaine Gertrude Stein dessiné à travers le beau livre de Julia Kerninon (Le passé est ma saison préféré). On aime Gertrude Stein pour sa liberté, son humour et sa singularité. En racontant sa vie à travers celle de sa compagne Alice Toklas, Stein joue avec les codes de l’autobiographie, tout en écrivant un portrait vivant du Paris artistique du début du XXe siècle, où se croisent Picasso, Hemingway, Satie, Matisse… C’est brillant, drôle et profondément moderne dans sa forme comme dans son fond ! »
Autobiographie d’Alice Toklas, Gertrude Stein (1934)
« Un roman en passe de devenir culte que beaucoup de lecteurs vont découvrir ou redécouvrir à travers L’Invention de Tristan de l’écrivain et éditeur Adrien Bosc qui nous avait déjà épaté avec Constellation. Le Seigneur des porcheries de Tristan Egolf est une révolte littéraire contre l’Amérique profonde, violente et hypocrite. John Kaltenbrunner, héros marginal et visionnaire, incarne une rage lucide face à l’absurde. La fureur la plus grande se conjugue à une ironie furieuse. Un livre inoubliable, foisonnant, celui d’un écrivain au destin tragique. »Ò
Le Seigneur des porcheries, Tristan Egolf (1998)
Propos recueillis par Sarah Jourdren
Photo Cléo Leux
Publié par Rédaction de Ramdam
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