Une île flottante

Créée voilà dix ans au théâtre de Bâle, cette fantaisie de Christoph Marthaler n’a rien perdu de son efficacité. Sur la base et l’intrigue de La Poudre aux yeux, de Labiche, le metteur en scène helvète échafaude une œuvre à sa façon, enrichie de fragments d’autres pièces du même auteur.
En résulte un presqu’inédit de Labiche, qui vaut autant pour sa folie et son caractère imprévisible que pour le génie comique de l’œuvre initiale. Comme souvent dans ce genre de registre, on rit ici des bourgeois : deux familles se rapprochent à la faveur du mariage annoncé de leurs enfants respectifs, et font tout pour se montrer plus aisées, distinguées et respectables qu’elles ne le sont. On cède sans résistance aux assauts absurdes et burlesques de ce Labiche augmenté par Marthaler, avant de s’apercevoir que si le bourgeois XIXe a disparu, ses lâchetés, ses travers et ses accommodements sont ceux de toujours. On ira donc au Domaine d’O pour s’amuser des autres, et l’on en rentrera en ayant ri de soi. Sébastien Vaissière

Photo : Simon Hallstrom