Festival
Fabien Lhérisson : "Explorer l'histoire du festival"
Festival toulousain emblématique, célébrant la richesse musicale du monde, Rio Loco – qui draine un large public sur la Prairie des filtres – fête ses 30 ans avec une édition spéciale, intitulée Supernova, qui se partage entre évocation du passé, création au présent et prospection vers le futur. Rencontre avec Fabien Lhérisson, directeur de Rio Loco et du Metronum.
Comment l’histoire du festival vient-elle s’inscrire dans la trame de cette édition ?
Il y a deux entrées. La première passe par la programmation avec la présence d’artistes ayant déjà participé au festival par le passé. La plupart sont des têtes d’affiche : Kassav’, Angélique Kidjo (qui présente deux concerts différents), Youssou N’Dour, Systema Solar… La seconde entrée se situe au niveau de la médiation, via un espace dédié sur la Prairie des filtres, qui va permettre au public d’explorer l’histoire du festival – de manière très interactive – à travers des archives audiovisuelles provenant de l’INA. Ces archives vont être mises en perspective par rapport à l’évolution globale de la musique des années 1990 jusqu’à aujourd’hui, en évoquant des événements ou phénomènes marquants survenus sur cette période.
En dehors de l’aspect mémoriel, quel point de la programmation se détache à vos yeux ?
Les créations, par exemple Nosotras du Cuarteto Tafi, autour de grandes figures féminines d’Amérique latine. Depuis 2023, ce point constitue un axe fort de Rio Loco. C’est lié à la labellisation SMAC du Metronum puisque le développement de la création fait partie du cahier des charges qui incombe à une SMAC. Le Metronum offre une plateforme idéale aux artistes – de la région ou d’ailleurs – pour travailler sur des créations.
Le Metronum accueille pendant le festival l’after du samedi soir – confiée entièrement au collectif Maraboutage pour l’édition 2025 – et, depuis septembre dernier, propose aussi des soirées Rio Loco au long de l’année.
Beaucoup de gens connaissent le festival sans savoir forcément qu’il est porté par le Metronum. Ces soirées marchent déjà plutôt bien mais il reste une marge de progression. Il faut le temps d’habituer le public à cette nouvelle offre. À partir de la rentrée prochaine, nous allons aussi proposer régulièrement au Metronum des soirées Onda Mix, du nom de la scène dédiée aux musiques électroniques sur le festival. Par ailleurs, sans connexion avec Rio Loco, petit scoop : nous prévoyons aussi d’ouvrir un restaurant à midi au sein du Metronum, d’abord éphémère, sur certaines périodes, qui va s’appeler le Bistronum.
Le programme complémentaire Barrio Loco – qui déploie toute une série de concerts, en grande majorité gratuits, dans divers quartiers de Toulouse avant et pendant le festival – ne cesse de prendre de l’ampleur.
C’est une manière pour le festival de s’inscrire autrement dans la ville, sur une temporalité différente. Cela amène à augmenter le nombre de partenaires (salles, bars, structures…) se joignant à cette grande fête qu’est Rio Loco et cela permet de la lancer bien avant l’événement principal. La compagnie Samba Résille compte parmi nos nouveaux partenaires, en lien avec la saison culturelle France-Brésil 2025, et va orchestrer une grande journée carnavalesque (le 18 mai, Jardins du Muséum de Borderouge – NDR).
Cette année est marquée par l’apparition d’un autre programme additionnel, en amont, axé sur le cinéma : En attendant Rio.
Il y a une culture cinématographique très importante à Toulouse. Ce qui manquait, selon moi, c’est d’associer les cinémas au festival. Des liens avaient déjà été instaurés par le passé, j’avais envie de les réactiver. L’idée consiste à co-construire avec les cinémas partenaires – actuellement le Pathé Wilson, l’Utopia Borderouge et l’American Cosmograph – une programmation ne se limitant pas à des projections de films mais incluant aussi des rencontres, des débats…
Faisant partie des « grosses machines » dans le paysage des festivals français, Rio Loco a forcément un impact sur le plan écologique, qui a été mesuré pour la première fois en 2024 : 694 tonnes équivalent CO2, soit 8,16 kg CO2 par personne. Vous avez annoncé vouloir réduire ce chiffre de 30 % d’ici 2030 – un objectif très ambitieux. Quels vont être vos principaux leviers d’action ?
L’an dernier, nous avons pu constater que l’impact principal ne vient pas des transports – ce dont nous nous doutions, vu que le festival se déroule en cœur de ville. Des efforts importants doivent être encore accomplis du côté de la biodiversité. La Prairie des filtres abrite des espèces animales qu’il faut veiller à protéger. La question des nuisances sonores se révèle aussi saillante vis-à-vis des personnes habitant à proximité. Nous avons testé l’an dernier un nouveau système de diffusion du son sur la scène principale, que nous allons encore perfectionner. Nous avons établi une sorte de charte écologique qui dresse une liste d’engagements à respecter autant par l’équipe du festival que par les différents partenaires et prestataires. S’agissant de la restauration, nous développons de plus en plus les circuits courts et nous visons l’objectif d’une offre 100 % végétarienne à court terme. En outre, comme nous invitons des artistes en provenance d’autres pays, parfois très lointains, nous tâchons désormais au maximum de mutualiser les tournées afin de limiter l’empreinte carbone.
Comment se profile l’avenir pour le festival au niveau artistique ?
La facilité consisterait à privilégier l’Afrique et l’Amérique latine, qui sont très fédératrices. Sans les abandonner, loin de là, nous allons aborder des contrées jusqu’alors peu ou pas explorées. Ça me tient vraiment à cœur. La thématique de 2026 – que nous dévoilerons à la fin du festival 2025 – va y être très propice.
Propos recueillis par Jérôme Provençal
Photo : Jean-Pierre Montagné
Publié par Rédaction de Ramdam
Prairie des filtres, Toulouse
Autre
31000 Toulouse